2) Vers des RIVAGES INCONNUS
Mathieu pénètre dans un studio au luxe discret, mais de bon goût.
Le mobilier en est "design" avec de belles lithographies aux murs, une moquette épaisse et de grandes baies vitréees donnant sur la mer.
Le local manque un peu de personnalité et sent la "location"
Il est très agréablement chauffé.
L'Inconnu met un fond musical où alternent des jeux de clavecin et de piano :
du BACH, du FRESCOBALDI, du SCHUBERT.
Une lumière tamisée, le soir qui descend sur la corniche de PONTAILLAC.
Tout cela respire la sérénité, invite à la volupté.
S'il avait encore craint quelqu'assaut , dénué de sensualité et de tendresse, Marhieu serait désormais totalement rassuré.
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Dans le silence auquel l'Eudiant en Droit est maintenant habitué - silence un peu pesant, mais terriblement envoûtant - les deux hommes s'affairent lentement à ranger dans un petit frigidaire les victuailles achetées à SAINTES.
Puis, tandis que Mathieu remplit d'eau un vase et y plonge ses 7 roses, le quinquagénaire aussi curieux que séduisant va s'enfermer dans le cabinet de toilettes.
Après quelques instants de réflexion, le Juriste "en herbe" décide d'être à l'aise, se met pieds nus, retire son blouson, sa casquette, son pull de laine à col roulé, dégage sa chemise du pantalon de velours noir et en fait retomber les pans desssus.
Puis il va coller son visage à la porte-fenêtre du Séjour et contemple un rivage qui, jusqu'alors, lui était inconnu, ROYAN n'étant pas une station fréquentée par ses parents
Le spectacle de l'onde grise et agitée,
celui de petits bateaux rentrant le plus rapidement posible au port,
la vue des flocons de neige plongeant dans la mer, de la nuit qui tombe,
le son des sacs et ressacs se mélant à la musique ambiante de la pièce,
Tout cela l'émerveille, le met en rêve, en une certaine absence
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Du coup, Mathieu ne se rend pas compte que l'Inconnu est de retour dans la pièce, n'entend pas le crépitement du bouchon de la bouteille de Champagne, ni le "glouglou" quand deux flûtes sont remplies de "bulles".
Il ne se retourne pas, ne voit donc pas l'homme mûr avancer lentement vers lui, en peignoir de coton blanc.
Mathieu ne réagit qu'au contact du corps qui se plaque doucement derrière lui, qu'à la présentation du verre qu'on lui présente, un bras tendu sur son côté.
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Tout en continuant à admirer l'ATLANTIQUE et en faisant dos à son compagnon, Mathieu cogne doucement son cristal contre le sien et,
au lieu du "Viens" récurrent, entends un "Tchin, avec le souhait que tu viennes".
Emergeant de ses images maritimes, comme on est à la fin d'un film. Mathieu murmure :
"Comme sont beaux ces rivages inconnus" ....
ce à quoi il est répondu tout aussi faiblement :
"Si c'était vrai que je puisse te mener vers des rivages inconnnus".