L'aube dominicale ayant été prédite orageuse, je décidai d'avancer ma balade (solitaire, c'est ma malédiction) à cet après-midi fort ensoleillé bien que cet astre ne me soit pas bénéfique, présageant qu'il s'agissait de sa dernière esbroufe.
L'itinéraire de remplacement me conduisit dans cette petite ville fort marquée par son passé métallurgique, le long des cours d'eau et dans les deux rues principales où les adolescentes fashionisées explorent les magasins de fringues entre lesquels apparaissent les agences bancaires et parfois une librairie.
Revenant après une heure et demie de marche salutaire - on nous l'a tant répété - , je vis un homme jeune sortir de son modeste véhicule aussi ancien que le mien. Il était manifeste qu'il attendait quelqu'un. Pourquoi les homos de province ont-ils toujours de vieilles voitures défraichies ? pensai-je. À la réflexion, ce n'est pas leur spécificité, mais celle de la majeure partie de la population, du moins de ceux qui ne se sont pas endettés, aveuglés par la prime à la casse (de leurs économies).
La fébrilité de cet homme renforçait son apparence quasi adolescente, ce que je remarquai car il s'était arrêté à quelques mètres alors que je remettais des chaussures plus adaptées à la conduite. J'eus l'impression qu'il hésitait à m'aborder mais jugeai inutile d'engager la conversation, persuadé que mon attitude, ainsi que mon apparence, le dissuaderait naturellement.
Mais alors que je démarrai, je le vis se précipiter dans son véhicule et l'engager sur la chaussée. Regardant dans le rétroviseur, je ne l'aperçus plus. Normal, il attendait que ma place de parking se libérât. Encore un fantasme qui n'aura pas eu le temps d'émerger.
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