Dans ce petit matin de printemps encore frais pour le mois, le quai de la gare était bondé de monde, certains assis sur les bancs les yeux fermés semblaient vouloir voler au temps quelques instants de sommeil, d’autres faisaient les cents pas, alors que deux ou trois appuyés contre une colonne lisaient le journal.
Je regardais l’heure à ma montre qui indiquait huit heures quarante deux, dans treize minutes, s’il n’avait pas de retard le train entrerait en gare.
J’avais l’impression de ne pas avoir ma place dans cette foule de navetteurs qui se rendaient pour la plupart à leur travail, depuis plus de vingt ans, je n’avais plus voyagé en train, la voiture était devenue mon principal moyen de déplacement.
Mais là ! Il devenait, l’espace d’un voyage, le complice d’un rêve fou qui allait enfin prendre corps pour mon bonheur, pendant plus d’un an sur la toile du net, j’entretenais une relation privilégiée avec un homme, les mots tapés sur le clavier au fil des jours, nous faisaient découvrir nos affinités communes qui lentement tel un fil d’Ariane mettaient à nu la pureté de nos sentiments l’un pour l’autre.
Cupidon d’une flèche avait transpercé nos cœurs, ho je sais ! Que cela pouvait paraître débile, cet amour de cœur et d’esprit où seuls les mots offraient la tendresse et les caresses, excluant dans cette relation du net le corps.
Mais cet amour de papier né de nos plumes était bien là dans mon jardin secret, ce trésor me faisait renaître à la vie, moi le vieux fou, plus tard, l’échange de nos photos avait mit le feu à mon esprit, j’étais sous son charme. Aucuns hommes n’avaient éveillés en moi un désir aussi brûlant, je fantasmais sur le jeu de nos corps dans l’acte d’amour.
Sournoisement, j’avais prétexté pour justifier le dit voyage, une journée retrouvailles des anciens managers du groupe pour lequel j’avais travaillé pendant trente ans, une journée entre hommes à Ternat, le siège de la société.
Je me sentais un peu coupable, mais ma joie estampait ce mensonge tant je désirais aller au bout de mon rêve.
Il m’avait proposé de le rejoindre dans un sauna qu’il fréquentait, ce que je refusais car cet endroit était son territoire, et je ne voulais pas m’avilir dans une relation de sexe pour sexe.